L’élargissement de l’OTAN : Une erreur fatale
- pgeopolitique
- 14 mars
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Dernière mise à jour : 14 avr.
George Kennan – 05/02/1997
A la fin de 1996, l’impression s’est répandue, ou a été répandue, qu’il avait été décidé, d’une manière ou d’une autre, d’étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. Et ce, en dépit du fait qu’aucune décision officielle ne peut être prise avant le prochain sommet de l’alliance, en juin.
A la fin de 1996, l’impression s’est répandue, ou a été répandue, qu’il avait été décidé, d’une manière ou d’une autre, d’étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. Et ce, en dépit du fait qu’aucune décision officielle ne peut être prise avant le prochain sommet de l’alliance, en juin.
Le moment de cette révélation – coïncidant avec l’élection présidentielle et les changements consécutifs de personnalités responsables à Washington – n’a pas permis à l’étranger de savoir comment et où insérer un modeste commentaire. L’assurance donnée au public que la décision, même préliminaire, était irrévocable, n’a pas non plus encouragé les opinions extérieures.
Mais quelque chose de la plus haute importance est en jeu ici. Et il n’est peut-être pas trop tard pour avancer un point de vue qui, je crois, n’est pas seulement le mien, mais est partagé par un certain nombre d’autres personnes ayant une expérience étendue et, dans la plupart des cas, plus récente, des questions russes. Ce point de vue, dit sans ambages, est que l’élargissement de l’OTAN serait l’erreur la plus fatale de la politique américaine de toute l’ère de l’après-Guerre froide.
On peut s’attendre à ce qu’une telle décision enflamme les tendances nationalistes, anti-occidentales et militaristes de l’opinion russe, qu’elle ait un effet négatif sur le développement de la démocratie russe, qu’elle rétablisse l’atmosphère de la Guerre froide dans les relations Est-Ouest et qu’elle oriente la politique étrangère russe dans des directions qui ne nous conviennent pas. Enfin, et ce n’est pas le moins important, cela pourrait rendre beaucoup plus difficile, voire impossible, la ratification par la Douma russe de l’accord Start II et la réalisation de nouvelles réductions des armements nucléaires.
Il est, bien entendu, regrettable que la Russie soit confrontée à un tel défi à un moment où son pouvoir exécutif se trouve dans un état de grande incertitude et de quasi-paralysie. Et c’est doublement regrettable si l’on considère l’absence totale de nécessité de cette démarche. Pourquoi, avec toutes les possibilités prometteuses engendrées par la fin de la Guerre froide, les relations Est-Ouest devraient-elles être centrées sur la question de savoir qui serait allié avec qui et, par conséquent, contre qui dans un futur conflit militaire fantaisiste, totalement imprévisible et des plus improbables ?
Je sais, bien sûr, que l’OTAN mène des pourparlers avec les autorités russes dans l’espoir de rendre l’idée d’expansion tolérable et acceptable pour la Russie. On ne peut, dans les circonstances actuelles, que souhaiter le succès de ces efforts. Mais quiconque prête une attention sérieuse à la presse russe ne peut manquer de constater que ni l’opinion publique ni le gouvernement n’attendent l’expansion proposée pour y réagir.
Les Russes sont peu impressionnés par les assurances américaines selon lesquelles elles ne reflètent aucune intention hostile. Ils considéreraient que leur prestige (toujours primordial dans l’esprit des Russes) et leurs intérêts en matière de sécurité en pâtiraient. Ils n’auraient, bien sûr, d’autre choix que d’accepter l’expansion comme un fait accompli militaire. Mais ils continueraient à la considérer comme une rebuffade de l’Occident et chercheraient probablement ailleurs les garanties d’un avenir sûr et plein d’espoir pour eux-mêmes.
Il ne sera évidemment pas facile de changer une décision déjà prise ou tacitement acceptée par les 16 pays membres de l’alliance. Mais il reste quelques mois avant que la décision ne soit définitive. Peut-être cette période pourra-t-elle être mise à profit pour modifier le projet d’expansion de manière à atténuer les effets malheureux qu’il a déjà sur l’opinion et la politique russes.
Source : The New York Times, George F. Kennan, 05-02-1997
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